Cet article fait un point sur des sujets couramment rencontrés dans les événements qui concernent le destin de l’usine ALTEO de Gardanne. La position stratégique du MNLE a été présentée ICI. Nous restons fermes sur cette position. Il s’agit de mieux rentrer au cœur du dossier.

La Longueur Du temps

La direction d’ALTEO s’est donnée 18 mois pour choisir un scénario d’évolution du traitement des rejets liquides et solides de l’entreprise. Ce temps est-il nécessaire ? il est en effet possible de prétendre que les actionnaires veulent gagner du temps. Ce n’est jamais de gaité de cœur qu’ils dépensent de l’argent.
Nos informations ne nous amènent pas pour le moment à cette conclusion. Il existe en effet des difficultés objectives à résoudre. Elles sont de différents ordres, techniques et juridiques avant d’être économiques. ALTEO agit pour les résoudre depuis quelques années.
il ne s’agit donc pas de trouver a priori des excuses à la lenteur reprochée à ALTEO dans
la mise en place d’un premier traitement des rejets maritimes. On pourrait certainement
en trouver dans les difficultés à stabiliser la stratégie industrielle d’une entreprise qui a plusieurs fois changé de propriétaires. ALTEO a aujourd’hui précisé sa place sur un marché
international de produits de haute technologie. Des mesures significatives de réduction
des pollutions maritimes ont été effectivement prises. Nous ne sommes pas au bout du chemin mais nous sommes dans une autre perspective dont l’issue n’est pas encore écrite.
Les Boucles De L’économie circulaire L’amélioration de la qualité des rejets maritimes a débouché sur la nécessité de stocker des argiles qui ont un statut de déchets inertes et non dangereux. L’opération s’effectue sur le site de MANGEGARRi. L’autorisation du stockage se termine en 2021. Autant dire que la pérennité de l’entreprise repose non seulement sur la capacité d’améliorer la qualité des rejets liquides jusqu’à permettre leur réutilisation, mais également sur les opportunités de valorisation des rejets solides. Il faut donc passer du schéma linéaire de l’élimination par le rejet dans le parc maritime à des boucles de valorisation. il ne s’agit pas d’empiler des techniques mais de rendre cohérente un ensemble d’opérations enchevêtrées.
Par exemple la neutralisation des rejets liquides produirait 13000 tonnes de boues métalliques. C’est une opération qui ne présente pas de difficultés opérationnelles particulières. Mais que faire de ces boues qui contiennent une faible proportion d’arsenic?
Cette question ne reçoit pas aujourd’hui de réponse simple. il faut en trouver une qui soit
autre chose que la mise en décharge. Ce n’est pas impossible. il faut du temps car cette
nouvelle boucle ne pose pas seulement des questions techniques mais juridiques.
Un cadre Juridique en gestation La notion d’économie circulaire est encore bien floue et sujette à différentes interprétations. Elle ne se réduit pas au recyclage mais ne peut pas s’en passer. C’est pour cela qu’il faut faire appel à une réglementation autorisant la ressource valorisable à sortir du statut de déchet. La loi du 17 août 2015 s’appuie sur la directive européenne 2008-98. Mais malheureusement les déchets des industries extractives, donc la bauxaline d’ALTEO, sont exclus de son champ d’application. Elle renvoie à une autre directive qui ne traite pas de la sortie du statut de déchet !
Mais l’État est autorisé à prendre des dispositions en adaptant les critères généraux de
la directive. De toute manière il faudra des textes spécifiques d’application à chaque type
de déchet au regard de la filière industrielle dans laquelle on espère l’intégrer. L’arsenal
actuel est d’ailleurs bien mince. Mais la voie est défrichée.
La directive indique que la valorisation doit respecter quatre critères: «la substance ou
l’objet est couramment utilisé à des fins spécifiques ; il existe un marché ou une demande
pour une telle substance ou un tel objet ; la substance ou l’objet remplit les exigences
techniques aux fins spécifiques et respecte la législation et les normes applicables aux
produits ; l’utilisation de la substance ou de l’objet n’aura pas d’effets globaux nocifs pour
l’environnement ou la santé humaine »
L’Etat doit décider des critères à respecter pour que cette procédure soit applicable, en
général par arrêté et par décret si nécessaire s’il faut modifier la réglementation des établissements classés ou l’application d’une norme obligatoire. il y a du pain sur la planche. Le ministère du développement durable et de l’énergie a-t-il les moyens de cette ambition ?
ALTEO devra mouiller la chemise. Le MNLE veillera au grain et prend des initiatives pour
faire avancer les chantiers.

ni colbertisme, ni libéralisme !
Car la valorisation de la bauxaline, nom donné par ALTEO aux déchets d’argiles, peut
prospérer dans cinq filières : briques, argiles expansées, restauration de sites miniers, dé-
phosphatation de rejets liquides notamment dans les stations d’épuration d’eaux usées,
géopolymères. Le développement est à des stades divers, a fait et fait l’objet de recherche
et de démonstrations par ALTEO.
Reste que la sortie du statut du déchet n’est pas un exercice abstrait mais s’effectuera
concrètement au moment où l’industriel qui utilise la ressource certifiera avoir reçu le
déchet avec des propriétés conformes aux spécifications officielles et avoir souscrit aux
moyens de contrôle demandés. La question du partage de la responsabilité juridique n’est
pas tranchée aujourd’hui. Nous plaidons pour qu’elle ne soit plus celle du producteur de déchet puisqu’il aura respecté la légalité. Nous demandons donc que la sortie du statut du
déchet ne soit pas un contrat privé entre deux ou plusieurs parties. La puissance publique
doit avoir les moyens de prévoir, contrôler et évaluer. Dans le fond l’économie circulaire est
d’abord une volonté politique de faire évoluer la production et la consommation. C’est un
projet citoyen où le service public doit jouer les rôles de planificateur, d’animateur et de
catalyseur. un apprentissage qui malheureusement s’opère dans un contexte de restriction du personnel d’un ministère qui a également délégué beaucoup de compétences dans des agences. Les moyens décentralisés de l’Etat devront en particulier être augmentés avec de réelles compétences.
Car cet engagement nécessaire de la puissance publique ne dispense en rien ALTEO
d’agir avec vigueur. La loi exige en particulier que le demandeur fasse la démonstration du
respect  des  quatre  critères  légaux  énoncés plus  haut.  il  faudra  aussi  trouver  le  réseau
d’acteurs industriels ou serviciels capable de développer progressivement les actions dans
le  cadre  d’une  stratégie  de  long  terme.  Là aussi, c’est in nouvel apprentissage qui devra
se heurter aux aléas et soubresauts des marchés  sur lesquels il s’appuie. Ni colbertisme,
ni libéralisme !

conserver Le cap

Le  problème  n’est  donc  pas  si  facile  à  résoudre.  Dans  un  contexte  mou  d’affaiblissement  du  rôle  de  la  puissance  publique et  de  morosité  économique  où  l’industrie  a perdu son rôle moteur, devant les difficultés réelles qu’ils rencontrent, les dirigeants d’ALTEO  pourraient  avoir  le  réflexe  d’abaisser la garde, de choisir un scénario qui, tout en améliorant  la  situation,  ne  va  pas  jusqu’au bout des espoirs. Rappelons que l’enjeu de la suppression de tout rejet maritime est essentiel.  La valorisation de la bauxaline prendra très  probablement  du  temps.  Le  recours  à un comité de pilotage est une bonne chose.
Le MNLE, comme il le fait depuis le début de l’année, fera son possible pour que le débat
nécessaire soit le plus fructueux possible et aille au-delà des a priori. N’oublions pas que
nous remettons de la complexité là où, dans le  passé,  les  pratiques  ont  été  sectorisées
quand elles ne sont pas diabolisées.

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