L’humanité doit faire face à des défis énormes : démographie, climat, limites des ressources, érosion de la biodiversité. Les politiques pour y faire face sont dérisoires et contre-performantes car tournées vers la recherche du profit. La pression sur la nature est trop forte. Un sentiment d’impuissance se répand qui n’est pas exempt de colère. La précarité et la dévalorisation du travail, les inégalités sociales croissantes augmentent la misère et le mal-être.
Le capitalisme contemporain basé sur le lucre, est en cause. Le lucre c’est la recherche avide et sans fin du profit, dissimulée sous le masque de la raison: le marché capitaliste serait le moyen d’allouer les ressources de façon rationnelle et optimum. L’argent serait le sang de la terre, le porte-monnaie serait l’autel de la sagesse, l’accaparement du profit mobilisant l‘intelligence.
La lutte indispensable pour limiter le changement climatique fait l’objet de manipulation pour faire perdurer une globalisation économique basée sur la négation des valeurs humaines et naturelles.
L’innovation technique, confisquée par les multinationales, crée de nouvelles sources de lucre. Les énergies intermittentes, les Plantes Génétiquement Modifiées (PGM) insecticides ou résistant aux herbicides, les nanomatériaux permettent de conserver avant tout des positions commerciales déjà dominantes, sans précautions sanitaires suffisantes et avec des risques environnementaux avérés.
Le gaspillage est au cœur du système. La production massive d’objets jetables dont
l’obsolescence est programmée, est bien le symbole de cette fatuité d’un système basé sur la volatilité du travail et des ressources naturelles. C’est une économie néo-libérale de l’offre qui ne reconnaît que formellement les limites des ressources et seulement si son existence n’est pas menacée. Elle tend en permanence à les contourner, n’hésitant pas à donner des interprétations abusives à des notions courantes. C’est actuellement notamment le cas avec le recyclage qui permettrait de faire circuler un stock inépuisable de matériaux.
Il ne s’agit pas de nier l’intérêt du recyclage mais d’attirer l’attention sur ses limites. Une loi naturelle établit l’inexorable usure de la matière et de l’énergie au cours du temps. C’est ainsi, par exemple, que l’utilisation du gaz, du pétrole et du charbon disperse dans l’atmosphère du carbone initialement présent dans le sous-sol. La totalité de l’énergie mise en jeu n’est pas récupérée. Une fraction importante se retrouve sous forme de chaleur dans l’air mais elle n’est pas à l’origine de l’impact sur le climat. C’est la présence accrue de gaz carbonique et autres gaz à effet de serre qui entre en cause, donc la dispersion de carbone initialement concentré dans les sols et inclus dans une organisation de matières susceptible de libérer de l’énergie (pétrole, gaz et charbon). En d’autres termes, les activités humaines concourent de plus en plus massivement à créer du désordre dans la matière et à user de l’énergie. Cette notion d’entropie, fondamentale, est passée sous silence.
L’avenir de la planète serait bien sombre s’il n’y avait pas des phénomènes naturels qui
mobilisent l’énergie solaire pour reconstruire l’organisation de la matière. Le principal est la photosynthèse. La production de végétaux est donc essentielle à condition qu’elle ne soit pas dopée aux énergies fossiles. C’est le cas aujourd’hui des agricultures productivistes qui maltraitent le cycle biogéochimique de l’azote avec une incidence forte sur le climat, l’eau et les sols. Le maintien d’une forte efficacité agricole ne peut s’obtenir que par de nouvelles innovations techniques et sociales, y compris dans l’exploitation des ressources forestières, à l’antithèse du projet « des 1000 vaches ». L’intensivité agricole doit avant tout être basée sur l’écologie et les savoir-faire d’agricultures paysannes. La politique agricole commue (PAC) doit être profondément réformée pour faciliter la transition nécessaire.
Dans ce contexte une mention spéciale doit être donnée au nucléaire. L’énergie nucléaire est le produit d’une transformation de la matière. Elle comporte des risques importants spécifiques dont la maîtrise civile (le nucléaire militaire doit être proscrit) doit faire l’objet d’actions plus rigoureuse tant au niveau national (sous-traitance notamment) qu’international.
La place de l’énergie nucléaire doit être reconnue dans les réponses aux défis qui s’imposent à l’humanité. Il ne sera pas possible d’y faire face sans elle mais elle ne peut pas en constituer l’essentiel. La transition énergétique devra être précisée au moment opportun en fonction de deux critères : la tangibilité des résultats obtenus dans la lutte pour atténuer le changement climatique, l’état de l’innovation en matière de productions d’énergies solaires directes et indirectes, du stockage de l’électricité. Les termes du choix ne sont pas actuellement disponibles. Il y a donc lieu de maintenir dans l’immédiat la production nucléaire, de maintenir un niveau de recherche suffisant et d’agir pour augmenter la sécurité industrielle et du stockage des déchets.
Nous sommes dans une période inédite de notre histoire qui se caractérise par une pression et une usure insupportables des dynamiques des phénomènes naturels qui font la vie sur la planète. Il faut donc reconnaître explicitement la limite des ressources naturelles et en tirer les conséquences.
L’intelligence et la créativité humaines peuvent la faire bouger dans une certaine mesure. Il faut donc libérer l’innovation de la gangue du lucre et permettre une diffusion massive de l’éducation de haut niveau et de la culture. Car l’innovation ne peut pas seulement être technique. Il faut remettre en cause la manière de produire et de consommer.
En effet le vieux schéma d’une croissance sans contrainte naturelle doit absolument être
remis en cause. Il n’est plus possible de considérer que la répartition des ressources
disponibles soit réglée par l’argent et donc le marché, même encadré par des normes et des taxes inspirées par la règle du pollueur-payeur. Le droit doit prendre le dessus pour organiser l’égalité d’accès à des ressources limitées. La notion de biens-communs doit exprimer une solidarité planétaire, à commencer par l’énergie et l’eau. L’incapacité des conférences internationales à trouver des moyens pour limiter le changement climatique est bien une preuve manifeste que la question doit être posée différemment.
Plus généralement cette nouvelle donne des rapports entre l’homme et la nature doit être incluse dans une approche sociale et économique des problèmes posés. En d’autres termes l’égalité et la solidarité ne peuvent être que des fruits d’une organisation de la production et de la consommation répondant de manière essentielle aux besoins de tous. Il faut donc progressivement passer d’une économie d’offres lucratives assises sur un marketing verdi et publicitaire à une éco-économie ouverte sur le bien-être du quotidien.
Pour ce faire, il est nécessaire de renverser les rapports entre puissance publique et économie, de permettre l’intervention des salariés dans l’entreprise, de rénover les capacités de l’économie sociale, de conforter les PME, de soutenir l’agriculture paysanne. Les politiques publiques et les politiques industrielles sont alors les moyens d’organiser les
productions de manière démocratique car co-construite. Les services publics animent ce
nouveau développement souhaité et partagé. Le pôle public, en particulier celui de l’énergie, est le creuset de cette rénovation écologique et sociale.
Pour l’habitat par exemple, la fuite en avant technologique et les annonces communicantes sur la maison à énergie positive et les éco-quartiers, ne doit pas nous faire perdre de vue l’essentiel de la question : assurer le confort thermique du parc ancien en réduisant autant que possible les coûts pour l’habitant, amortir la demande hivernale de pointe de l’électricité. Ce n’est pas une utopie si le problème est bien posé et des services publics le prennent à bras le corps. Des exemples prometteurs existent. Le droit au confort thermique peut se construire comme une composante du droit à l’énergie.
Il faut également éviter le piège technologique aujourd’hui tendu de la voiture électrique en répondant aux besoins de manière préventive et curative. L’aménagement du territoire et du travail, l’organisation multi et intermodale des déplacements quotidiens sont prioritaires.
Une automobile sobre en énergie a une place dans cet ensemble, avec des formes nouvelles d’utilisation. Une approche simplificatrice ne permet pas une bonne prise en compte des besoins.
La partialité des statistiques officielles des émissions de gaz à effet de serre doit être dénoncée. S’il est vrai que la tendance hexagonale est à la diminution des quantités émises à partir du territoire, il n’est pas possible d’en dire autant de celles qui sont assises sur notre consommation finale. Cette réduction relative n’est donc que le reflet des localisations massives des fabrications de biens de consommation dans des pays à bas coût de travail et faible protection environnementale.
Il faut se poser la question d’une localisation nouvelle de moyens de productions industrielles à partir des ressources notamment renouvelables et des déchets fatals, qui sont partout répartis avec de faibles densités. Cette particularité donne une chance aux territoires de retrouver sous de nouvelles formes, des capacités de transformation. Mais il n’y aucun déterminisme économique. Les multinationales peuvent fort bien se saisir de cette opportunité dans une variante de la globalisation dont l’accaparement de terres dans les pays pauvres en est une manifestation éclatante.
Il est possible de trouver un optimum écologique à ce schéma en intégrant sur un territoire les trois écologies, urbaine, agricole et industrielle, tout en prenant en compte ses particularités. Les échanges croisés entre la ville, les industries et les agricultures permettent des substitutions de ressources fossiles par des renouvelables et des valorisations de gisements non valorisés, tels ceux de gaz carbonique par exemple. Ces actions doivent pour être durables, s’appuyer sur une mutation écologique des pratiques agricoles , de l’élevage et de la pêche, mobiliser l’économie sociale, les exploitations paysannes et un réseau de PME. Le rôle de la puissance publique, à tous les niveaux d’administration, est à la fois organisateur, impulseur et catalyseur économique. Elle intervient par l’intermédiaire de services publics dans la gestion des biens communs et la mise en place de droits.
Cette triple écologie n’est pas un repli autarcique mais constitue une occasion pour les
citoyens et les acteurs d’un territoire de s‘approprier de nouvelles compétences et pouvoirs, notamment dans le domaine économique et de combattre un sentiment d’impuissance. Le fonctionnement en réseaux territoriaux, nationaux, européens et internationaux est une expression concrète et nécessaire de la solidarité. Le numérique doit faciliter leurs mises en œuvre. Dans cet esprit, la création de FABLAB par exemple, constitue un moyen nécessaire et important pour partager de nouvelles compétences et contester concrètement le pouvoir des multinationales sur la durabilité des produits.
L’approche territoriale exige, pour réussir, que les différents niveaux politiques, local, régional, national et européen coopèrent et œuvrent ensemble pour prendre les dispositions nécessaires. Il en est de même pour le niveau mondial de l’ONU et de ses agences.