Feuilleton du printemps
2e épisode
GESTION DES DECHETS TOXIQUES
A l’évidence les toxiques ne doivent jamais se mélanger avec les autres déchets car toute la poubelle deviendrait toxique. Cela compromettrait en aval le fonctionnement et le succès de toutes les filières de traitement. Pour les toxiques il faut donc une collecte séparée. C’est d’ailleurs la condition nécessaire pour un traitement adéquat de ces résidus dangereux.
Les toxiques posent 3 problèmes : Comment les identifier ? Comment les collecter ? Comment les traiter ?
IDENTIFICATION
A première vue l’identification est facile grâce aux pictogrammes (dessins conventionnels) de danger imprimés sur l’emballage. Ainsi pour les produits chimiques il existe une dizaine de pictogrammes. Chacun d’eux signale un type de danger . Mais ce dispositif est triplement insuffisant :
Primo très rares sont les personnes qui connaissent le sens de ces pictogrammes. Certes tout le monde devine que la tête de mort sur 2 tibias en croix indique un risque mortel. Mais qui sait que le buste humain étoilé signifie « danger pour la santé » ? Comment deviner que l’arbre sans feuilles veut dire « peut être nocif pour le milieu aquatique » ? Dans le pictogramme signalant les gaz sous pression comment deviner que le dessin représente une bouteille de gaz sous pression? Le dessin est même totalement incompréhensible dans le picto « matières infectieuses ». Etc
Secundo beaucoup de produits dangereux ne comportent aucun pictogramme de danger. C’est le cas des médicaments. Ils ont pourtant des effets secondaires souvent graves. Et pour certains remèdes, si vous dépassez la dose prescrite vous pouvez en mourir.
Tertio l’industrie en général et l’industrie chimique en particulier mettent fréquemment sur le marché des produits nouveaux dont la toxicité ne se révèle qu’à l’usage quand beaucoup de consommateurs en ont été victimes. Par exemple la liste des produits cancérigènes et des perturbateurs endocriniens s’allonge continuellement.
Il faut revendiquer que l’État et/ou les collectivités territoriales exerçant la compétence déchets publient un catalogue ( continuellement tenu à jour) des déchets ménagers dangereux. L’ADEME et les collectivités territoriales publient un grand nombre de brochures sur la gestion des déchets mais jamais une liste des déchets ménagers toxiques alors que cette liste est à la fois vitale et stratégique pour une bonne gestion des déchets. Une grave lacune à combler rapidement.
COLLECTE DES TOXIQUES
Rappelons qu’ils ne doivent jamais être jetés à la poubelle.
Les déchetteries reçoivent les déchets dangereux des ménages , notamment les résidus de bricolage, de peinture, de white spirit, de pesticides ménagers, etc. Les particuliers peuvent donc confier à une déchetterie leurs résidus toxiques. Mais seulement en dernier recours car il existe une solution bien meilleure à la fois écologique et légale : c’est le renvoi des déchets aux fabricants par l’intermédiaire des commerçants. Les industriels sont en effet légalement tenus de récupérer les déchets des produits achetés et consommés par leurs clients. C’est ce qu’en abrégé on appelle la REP (responsabilité élargie des producteurs).
Depuis 1993 la REP est en vigueur pour les emballages ménagers. Les industriels financent le tri et la collecte sélective des emballages puis le traitement desdits emballages.
La REP a été progressivement étendue à d’autres déchets : en 2001 les piles usagées, en 2004 les pneus, en 2006 les véhicules hors d’usage et les DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques), en 2007 (le saviez-vous?) les textiles et les chaussures, en 2009 les médicaments non utilisés (que vous pouvez et devez retourner aux pharmaciens.) Depuis 2012 la REP s’applique même aux déchets d’ameublement et surtout aux déchets chimiques des ménages, notamment les résidus chimiques dangereux. Depuis 2012 la REP concerne aussi les DASRI (déchets d’activités de soins à risques infectieux) tels que pansements, seringues, etc
Mais les consommateurs ménagers , dans leur grande majorité, ignorent qu’ils peuvent et qu’ils doivent retourner leurs déchets toxiques aux fabricants par l’intermédiaire des commerçants. Par exemple si vous achetez un téléviseur, un ordinateur ou un frigo neufs (Tous les trois contiennent des molécules dangereuses) , le vendeur est obligé d’accepter le vieil appareil électroménager que vous remplacez par un neuf. Les fabricants sont tenus de détoxiquer puis de recycler ces déchets.
Pour la plupart des industriels et des commerçants, la REP est une corvée que la loi leur impose et dont ils se passeraient bien. C’est pourquoi on ne voit jamais en pharmacie une affiche invitant les clients à retourner au pharmacien les médicaments non utilisés. Pas d’affiche de ce genre non plus chez les marchands de peinture et de produits chimiques toxiques. Notons toutefois que dans les supermarchés, en général près des caisses, sont disposés des conteneurs où vous pouvez gratuitement déposer piles, ampoules électriques hors d’usage, etc.
Un gros travail reste à faire pour que les déchets toxiques soient pris en charge par les filières REP et cessent de polluer soit le compost, soit les décharges de déchets ménagers. Celles-ci sont officiellement appelées « Installations de stockage de déchets non dangereux ». C’est en toute illégalité que des toxiques sont enfouis en grande quantité dans des décharges comme celle de Saint-Jean de Libron à Béziers.
TRAITEMENT DES TOXIQUES
Ce traitement soulève des problèmes nombreux, complexes et parfois délicats qu’il faut résoudre au cas par cas.
Frigos et congélateurs fonctionnent grâce à divers fluides frigorigènes qui sont dangereux pour l’environnement et/ou pour la santé. Le recyclage de ces appareils, quand ils sont en fin de vie, doit donc commencer par la récupération minutieuse des fluides frigorigènes qui ne doivent surtout pas s’échapper dans l’atmosphère.
Téléviseurs et ordinateurs comportent des pièces en matière plastique qui risquent de fondre ou de s’enflammer quand la température de l’appareil s’élève. Ce risque n’existerait pas si les pièces qui chauffent étaient toutes en métal. Mais pour faire baisser les coûts de production les industriels remplacent souvent les métaux par des matières plastiques. Pour éviter qu’elles fondent ou s’enflamment, on y incorpore des composés bromés retardateurs de flamme. Or le brome est un poison. C’est pourquoi le recyclage d’un ordinateur ou d’un téléviseur en fin de vie doit commencer par la détoxication de ces appareils.
Les médicaments non utilisés et rapportés aux pharmaciens à la fin d’un traitement médical, sont toujours incinérés, même quand la date de péremption n’est pas atteinte et que ces remèdes pourraient donc être utilisés par d’autres patients, désargentés, notamment dans les dispensaires. Il est bien regrettable qu’on préfère les incinérer.
Les DASRI (déchets d’activité de soins à risques infectieux), notamment ceux des hôpitaux et cliniques, sont systématiquement incinérés. Or l’incinération est nocive pour l’environnement et pour la santé publique. Pour éviter des pollutions microbiennes on fabrique des pollutions chimiques. Pourquoi ce paradoxe ? Parce que les professionnels de santé ont reçu une formation qui les a efficacement préparés à la lutte contre les infections microbiennes mais ils ont été beaucoup moins sensibilisés aux pollutions chimiques.
Or les déchets médicaux à risques infectieux peuvent être désinfectés sans incinération au moyen d’un autoclave. On en trouve un dans tous les hôpitaux. Cet appareil très simple fonctionne selon le principe de la cocotte-minute. Grâce à une forte pression à l’intérieur l’eau contenue dans l’autoclave dépasse les cent degrés et peut même être portée très au-delà , température qui tue tous les microbes. Après avoir été désinfectés dans un autoclave, les déchets médicaux deviennent des déchets banals susceptibles de recyclage. Malheureusement l’autoclave actuellement n’est utilisé le plus souvent que pour un nombre restreint d’outils chirurgicaux : bistouris, etc.
Dans tous les cas le traitement des déchets ménagers dangereux incombe aux industriels pas aux collectivités territoriales. C’est pourquoi nous n’irons pas plus loin dans le présent article.
Comité biterrois du MNLE
(Mouvement National de Lutte pour l’Environnement)
Retrouvez ici les 9 pictogrammes de danger : 9_pictos_une_page