TECHNIQUES ARTISANALES OU INDUSTRIELLES ?
A chaque étape de la gestion des déchets les collectivités territoriales en charge de ce service public ont à choisir entre techniques industrielles et techniques artisanales. Comment faire un choix éclairé ?
L’étape de la collecte
La collecte des déchets ménagers peut se faire de 3 façons :
1- Apport volontaire des ménages dans des bornes de tri sélectif. Elles comprennent au moins 2 conteneurs : un pour le verre et un pour les autres emballages, le papier et le carton. Dans d’autres collectivités, les bornes comprennent 3 ou 4 conteneurs ce qui permet un tri plus fin.
C’est la collecte techniquement la plus artisanale et financièrement la moins coûteuse.
2- Collecte en porte à porte effectuée par les camions-bennes d’ébouage.
3- Jamais en panne d’imagination quand il s’agit de nous vider les poches, des industriels comme VEOLIA ont inventé une collecte souterraine par aspiration ou par soufflerie dite collecte « pneumatique ». Ce système exige un réseau de tuyaux souterrains qui s’ajoute au réseau d’égout, au réseau d’adduction d’eau potable, au réseau de tuyaux de gaz, etc. Les ménages jettent leurs déchets dans les « périscopes » (ouvertures du réseau pneumatique) . Après quoi une soufflerie/aspiration chasse ou aspire à grande vitesse (70 km/heure) les déchets qui aboutissent dans un récepteur central en périphérie de la ville. Des camions chargent alors les déchets et les transportent dans une usine de tri et de traitement.
En 2011 VEOLIA comptait plus de 700 installations pneumatiques dans le monde et même quelques-unes en France : Saint-Ouen, Romainville, Vitry-sur-Seine , le quartier des Batignolles à Paris, etc.
Avantages du système pneumatique : il supprime les bacs poubelles, les ordures parfois répandues sur les trottoirs ainsi que les camions-bennes d’ébouage bruyants et malodorants.
Inconvénients du système pneumatique : il réduit à peu de chose le tri manuel (pourtant décisif) par les habitants ; il coûte très cher en investissement (réseau souterrain) et en énergie (soufflerie ou aspiration 24 h sur 24 et 7 jours sur 7). La riche et très bourgeoise principauté de Monaco a opté pour le pneumatique mais Grenoble, après une expérience, y a renoncé en 2012. L’ADEME ne recommande pas le pneumatique, à la fois très coûteux, énergivore et incompatible avec un tri correct des déchets . Par exemple le système pneumatique n’accepte pas le verre qui doit donc être collecté autrement…
L’étape du compostage
Les élus ont le choix entre 3 filières pour le traitement des déchets fermentescibles :
1- la meilleure solution à tous égards est le compostage domestique : Il supprime les transports et les dépenses énergétiques qu’exige tout transport. Ceux qui ont un jardin n’ont même pas besoin de composteur, qui est indispensable uniquement pour ceux qui vivent en appartement. Dans ce dernier cas l’achat d’un composteur est superflu. N’importe quel récipient peut servir comme composteur : grand pot de fleurs, vieux seau, caisse en bois….
2- Certains ménages, pour des raisons diverses, ne peuvent ou ne veulent pas pratiquer le compostage domestique. Pour ces personnes les élus sont légalement tenus d’organiser une collecte séparée des fermentescibles. Dans ce cas, le plus simple et le plus judicieux est de déposer les déchets collectés sur une plate-forme de compostage. Ils y fermentent en gros tas qu’on retourne de temps à autre pour oxygénation et qu’on arrose en période de sécheresse pour éviter la déshydratation. Au bout de quelques mois le compost est mûr et peut être vendu pour épandage sur les sols cultivés. La vente de ce compost produit artisanalement sans aucune nuisance couvre en grande partie les frais de transport et de compostage.
3- Bien entendu divers industriels préconisent des usines techniquement complexes et financièrement très coûteuses pour traiter les fermentescibles. C’est ainsi qu’à Béziers a été autrefois construite une usine de tri-compostage dite UVOM (Unité de valorisation des ordures ménagères) Il a fallu démolir l’UVOM en raison de ses très mauvaises performances et une autre usine, dénommée VALORBI, a été construite. La chambre régionale des comptes, dans son rapport définitif de mars 2019, observe que VALORBI, construite sur l’emplacement de l’UVOM, a des performances encore plus mauvaises que l’UVOM. Bravo !
Pendant des années d’autres industriels ont séduit de nombreux élus en leur vantant la torche à plasma, une invention de la NASA étatsunienne. Moyennant une chaleur de plusieurs milliers de degrés la torche à plasma était réputée transformer tous les déchets organiques en un gaz énergétique commercialisable comme combustible. Mais ce système a montré ses impasses. Rejeté par l’administration préfectorale elle-même, Il est tombé dans l’oubli.
A Montpellier les élus, séduits par une autre publicité industrielle, ont construit à grands frais une usine dite de « méthanisation ». On appelle ainsi les usines productrices de biogaz, un gaz à la fois puant, explosif et toxique, appelé autrefois grisou dans les mines de houille. L’usine de Montpellier, appelée Amétyst, est tristement célèbre pour ses nombreux déboires : insupportables nuisances pour le voisinage (puanteur et nuages de mouches), incendies dont un a détruit une grande partie de l’usine, accidents divers, une intoxication à l’ammoniac qui a nécessité l’hospitalisation de plusieurs salariés, etc. Nullement dissuadé par les résultats désastreux des usines de méthanisation françaises et étrangères, le SICTOM (syndicat intercommunal) de Pézenas-Agde a résolu de construire à son tour une usine de méthanisation. Devant le coût pharaonique de ce projet, le SICTOM cherche des partenaires susceptibles de cofinancer le chantier. Il essaie d’entraîner l’agglo Béziers-Méditerranée dans cette aventure.
Comment trier les déchets ?
Le premier tri est celui que font les ménages en jetant leurs résidus dans diverses poubelles ou dans divers conteneurs . Ce tri domestique est indispensable pour éviter que se mélangent inextricablement toxiques, fermentescibles et autres résidus. La qualité de ce tri domestique conditionne le succès de toutes les filières de valorisation en aval.
Après quoi les collectivités doivent choisir, (notamment pour papiers, cartons et emballages divers) entre une chaîne de tri manuel et une chaîne de tri industrielle où le travail est effectué par des machines.
Dans l’UVOM d’abord puis dans VALORBI les élus biterrois ont choisi le machinisme : des cribles sélectionnent les déchets en fonction de leur taille ; un aimant prélève les métaux ferreux ; un courant de Foucault capte les objets en aluminium . Sur une surface inclinée on laisse tomber les déchets pour séparer les corps durs qui rebondissent et les corps mous qui s’écrasent. Dernière innovation : le tri optique . Il est effectué par des automates capables de distinguer plusieurs catégories d’objets en fonction de leur structure moléculaire . On peut ainsi séparer 2 ou 3 familles de matières plastiques. Mais au total VALORBI ne peut effectuer qu’un tri grossier qui laisse beaucoup de débris indésirables dans la fraction destinée au compostage. D’où un compost médiocre, toxique et souvent invendable.
Dans une chaîne de tri manuel un tapis roulant transporte les déchets et passe entre 2 haies de salariés. L’un attrape au passage et entasse près de lui les papiers et cartons. Un autre prélève les emballages en verre, un autre les emballages métalliques, etc. Le tri manuel est préférable à tous égards. En effet il crée des emplois pour travailleurs non qualifiés, c-à-d la catégorie de salariés les plus frappés par le chômage. Il coûte beaucoup moins cher en investissements que le tri industriel. Enfin les performances du tri manuel sont nettement supérieures. En effet seul le regard d’un être humain est capable de distinguer du papier-carton recyclable et du papier-carton sulfurisé, paraffiné ou plastifié et donc non recyclable, une boîte de conserve vide et une boîte contenant des résidus organiques qu’il faut extraire, un débris de bouteille en verre et un fragment de vitre , un inoffensif flacon de détergent et un flacon de médicament dangereux, etc. Bref le tri manuel est beaucoup plus fin, beaucoup plus efficace que le tri industriel.
C’est pourtant le tri industriel qui est presque toujours préféré par nos élus… et par la préfecture. Pourquoi cette préférence totalement irrationnelle ?
Les encombrants
On appelle « encombrants » les déchets ménagers trop volumineux pour entrer dans une poubelle. Un canapé, un lave-linge, un téléviseur mis au rebut sont des encombrants.
Certains encombrants sont déposés par leurs propriétaires en déchetterie. D’ autres sont abandonnés sur les trottoirs. Dans les 2 cas, c’est la collectivité territoriale qui les prend en charge. D’autres encombrants sont confiés aux filières R.E.P. (responsabilité élargie des producteurs) c-à-d aux industriels qui ont fabriqué ces objets. Dans tous les cas qui précèdent, qu’il s’agisse de meubles ou d’électroménager, les biens mis au rebut ne sont jamais réparés pour vivre entre d’autres mains une deuxième vie. Au mieux ( filières REP) ils sont détoxiqués puis démolis pour devenir simples matières premières.
Ainsi près de Béziers l’installation industrielle privée appelée « Valorsys » reçoit beaucoup d’ encombrants ménagers. Quand ils contiennent des composants toxiques ils ne sont jamais détoxiqués. Certains sont encore en bon état (lits d’enfants, landaus, trottinettes, chevaux à bascule, meubles démodés, etc) et pourraient vivre une seconde vie. Ils sont pourtant systématiquement détruits. Les débris métalliques sont vendus pour recyclage à des entreprises métallurgiques. Le bois des meubles, après broyage, est bien peu réutilisable vu que, faute de tri, ce broyat mêle inextricablement du bois sain et du bois empoisonné par des traitements contre les insectes xylophages.
Si vous voulez vous défaire d’un meuble ou d’un appareil électroménager, le mieux est de le vendre (vide-grenier, brocante) ou de le donner (à des amis ou à des associations telles qu’Emmaüs, Secours populaire, etc). Il manque souvent une recyclerie-ressourcerie qui pourrait recevoir, trier, réparer et remettre sur le marché les encombrants qui actuellement sont déposés en déchetterie, abandonnés sur les trottoirs ou envoyés à Valorsys. Dans ce cas aussi la filière artisanale, financièrement moins coûteuse, créatrice d’emplois locaux, économe en transports et en ressources naturelles est de loin préférable aux filières industrielles.
Conclusion
Les techniques industrielles sont en train de se discréditer, notamment dans 2 secteurs : la pêche et l’agriculture. Il est désormais reconnu que la pêche industrielle (bateaux usines, filets immenses, etc) épuise les ressources océaniques et que seule la pêche artisanale est à la fois durable et créatrice d’emplois. L’agriculture industrielle (pesticides, OGM, destruction de la biodiversité agricole au profit des variétés les plus productives, élevages concentrationnaires en batterie et hors sol, aliments ultra-transformés, etc) est elle aussi discréditée au profit de l’agriculture artisanale dite aussi paysanne ou familiale. En revanche, dans la gestion des déchets, l’industrie reste encore prestigieuse alors que, pour les déchets aussi, les techniques artisanales sont à tous égards préférables.
D’autres considérations sont aussi à retenir :
La loi N° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à la gestion des déchets (modifiée par la loi N° 92-646 du 13 juillet 1992) se donne 4 objectifs. Le 2ème est « d’organiser le transport des déchets et de le limiter en distance et en volume ». Ainsi dès 1975 la loi exigeait que les déchets voyagent le moins possible. Cette exigence est aujourd’hui renforcée par le souci de protéger le climat en réduisant le camionnage producteur de CO2 et donc en réduisant les transports de déchets. Or les installations industrielles, parce qu’elles coûtent très cher, ne peuvent être rentabilisées que par un vaste secteur de collecte. Ainsi pour amortir les dizaines de millions d’euros investis dans l’UVOM-VALORBI, l’agglo biterroise traite dans cette usine les ordures de plus de 50 communes qui vont du littoral méditerranéen jusqu’aux confins du Tarn. Seules les techniques artisanales, parce que bon marché, respectent le principe de proximité, le champion étant le compostage domestique qui ne coûte rien et supprime totalement les transports.
Ajoutons que les grands regroupements de communes conduisent à privatiser les services publics. En effet gérer les déchets d’ une petite commune rurale autonome est facile. Mais dans un vaste regroupement supracommunal comme le SICTOM de Pézenas -Agde (environ 60 communes) ou la métropole de Montpellier la gestion des déchets devient pour les élus une charge écrasante et ils sont enclins à s’en débarrasser en confiant cette lourde corvée à une entreprise privée moyennant une délégation de service public. De leur côté les industriels, peu intéressés par les ordures d’une petite commune isolée, sont au contraire alléchés par le juteux marché que constituent les poubelles d’une vaste collectivité. C’est pourquoi dans une grosse collectivité tout concourt à la privatisation des services publics locaux et tout concourt aux grandes installations industrielles.
Robert CLAVIJO
Comité biterrois du MNLE
(Mouvement national de lutte pour l’environnement)
Photo d’usine de tri mécanobiologique