L’Association « Ciné-Débats Citoyens » de LORGUES dans le Var a organisé le jeudi 8 novembre 2018 un débat dont le thème était « Y a-t-il un avenir pour le service public SNCF »
Après avoir assisté au film de Ken LOACH « The Navigators » une centaine de personnes très intéressées ont débattu sur le sujet des méfaits des privatisations et ont souhaité connaître où en était le ferroviaire français que le gouvernement et certains élus régionaux voudraient voir disparaître en tant que service public au service du Public. Le MNLE (Alain PATOUILLARD) et la Fédération CGT des Cheminots (Sébastien GRONNIER) avaient été invités pour apporter leur point de vue.
Que constate-t-on aujourd’hui ?
Il y a quelques années, de nombreux pays de par le monde nous enviait notre Chemin de fer incarné depuis plus de 70 ans par la SNCF, pour sa ponctualité, sa sécurité, sa qualité de service. Une entreprise publique exceptionnelle qui a lancé pour la première fois au monde un train à Grande Vitesse en service commercial le 27 février 1981 entre Paris et Lyon.
La SNCF, née en 1938 après la faillite des compagnies privées, a été transformée en EPIC au 1er janvier 1983 sous l’impulsion du Ministre des Transports d’alors Charles FITERMAN. Il fit ainsi adopter la Loi d’Orientation des Transports Intérieurs (LOTI) consacrant entre autres le droit au transport pour tous, entraînant la sauvegarde d’activités et d’installations et permettant même la réouverture de certaines lignes.
Aujourd’hui la SNCF est mise en accusation sur la place publique pour une dette colossale de 53 milliards dont 47 est en définitive une dette de la responsabilité de l’État qui a décidé la création de lignes à Grande Vitesse sans les financer. Ces lignes il fallait les réaliser certes, car on ne saurait pas faire circuler aujourd’hui l’ensemble des trains indispensables, si rien n’avait été fait mais il fallait aussi continuer d’entretenir le réseau du quotidien ; ce qui n’a pas été fait, tout au moins pas suffisamment.
Ce manque de maintenance et de modernisation des lignes classiques entraîne de manière récurrente des dysfonctionnements dont souffrent les usagers au quotidien. La SNCF est maintenant considérée peu fiable, ce qui conduit ses détracteurs à proposer une privatisation sans jamais évoquer les dégâts que celle-ci a entraîné sur les réseaux où cela a été fait comme en Angleterre.
Sous la conjonction des politiques nationales de casse des services publics et celles dogmatiques de l’Union européenne ayant comme seul modèle de développement la concurrence tous azimuts, l’État avait procédé à la partition du Chemin de Fer avec la création de RFF. La SNCF s’était alors transformée, remodelée profondément de l’intérieur sous le coup de restructurations empilées au pas de charge qui ont détruit progressivement l’organisation historique des Chemins de Fer faîte d’intégration, de mutualisation, de transversalité et d’unicité. Cette logique où les activités et les services deviennent autonomes s’opposant entre eux, a affaibli considérablement l’efficacité du système qui en plus a éclaté en 3 EPICS en 2014, ce qui devait, paraît-il, régler les dysfonctionnements voire même commencer le désendettement, mais aucun de ces résultats « espérés » ne sont constatés de nos jours. De plus l’État avait imposé à RFF la fameuse « Règle d’Or », règle, lui imposant de maitriser ses investissements afin de contenir la dette, tout en lui demandant malgré tout d’abonder certains investissements dispendieux tel CDG Express ou d’acheter par exemple une centaine de TGV pour sauver Alstom.
Avec les encouragements des représentants de l’État, le Conseil d’Administration de la SNCF présidé par M. PEPY, a développé la route, obéissant au Président MACRON, au détriment du rail en constituant des filiales de bus qu’il faut systématiquement recapitalisées tous les ans avec l’argent des dessertes TGV, plus de 100 millions d’euros. Ce système sous perfusion, entraîne des suppressions de personnel, des fermetures de lignes et maintenant de gares, détruisant petit à petit le service public que nous connaissions.
A cela il faut rajouter une augmentation importante de la sous-traitance. Cette sous-traitance a toujours existé mais elle était maitrisée. Dans le cadre des économies demandées le personnel SNCF formé et compétant diminue dangereusement, ce qui fait que la sous-traitance augmente avec un personnel d’entreprise pas toujours très compétent entraînant des retards dans les restitutions d’intervalles et des travaux mal faits, qui risquent de ne pas être détectés à cause du manque de personnel de surveillance SNCF. Il faut espérer que dans quelques années on ne se retrouve pas devant un problème du type « pont de Gènes ». A noter également que la sous-traitance coute 10% plus cher que le travail effectué par des agents SNCF pourtant appelés des gens privilégiés. Où sont les économies ????
Le départ en retraite de Cheminots ayant fait toute leur carrière à la SNCF dans différents postes a souvent nécessité le recrutement de nombreux cadres plus formés à la gestion du personnel qu’à la technique mais dont les méthodes managériales sont malheureusement inspirées du libéralisme. La disparition du service public à France Télécom pour les mêmes raisons a entraîné de nombreux suicides d’agents. Pour la SNCF nous avons malheureusement constaté récemment, une défenestration d’un agent à l’Ingénierie de Lyon et une rencontre volontaire avec un TGV à Marseille d’un agent d’entretien des voies. Il faut arrêter…… le passé ne s’efface pas avec quelques ordonnances.
Le Mouvement National de Lutte pour l’Environnement défend ce service public ferroviaire car c’est le seul moyen de transport propre qui devrait pouvoir nous permettre dans les années à venir de continuer à nous déplacer et de respirer autre chose que des gaz à effet de serre ou des particules.
Pour la Fédération CGT des Cheminots, il faut aussi à tout prix réduire la part de la route dans l’équation globale du transport en France. Et lorsque l’on sait que les projections à 2050 prévoient la multiplication par deux des flux marchandises et de voyageurs sur la période, cela signifie que si nous ne voulons pas que la route capte l’intégralité de ce trafic, il faut multiplier par cinq le transport ferroviaire actuel. Ce qui nécessite des investissements massifs sur le réseau et des moyens financiers colossaux. Des solutions existent quand on voit l’argent dont disposent les Banques Centrales, celui qui est distribué aux actionnaires de Total par exemple et à certains patrons du CAC 40. Effectivement il n’y a pas de politique environnementale sérieuse sans plan d’investissement public massif. Il est temps d’engager une véritable politique d’investissement ciblée notamment sur les enjeux environnementaux assurant le devenir des générations futures en décrétant un plan de transport ferroviaire important pour les marchandises et les voyageurs sur longue distance et pour les trajets courts en maintenant et développant les transports publics tout en prenant en compte les territoires ruraux.